3. Agir avec honnêteté, compétence et dignité
La LCI prévoit que le titulaire de permis a l’obligation d’agir avec honnêteté, loyauté et compétence1. De plus, il doit exercer ses activités avec diligence et faire preuve de probité. Il ne doit commettre aucun acte dérogatoire à l’honneur et à la dignité de la profession2.
C’est conformément à ces obligations déontologiques que le titulaire de permis doit se comporter en matière de lutte au blanchiment d’argent.
Ainsi, le titulaire de permis doit avoir la compétence et les connaissances nécessaires afin d’être en mesure de connaître les méthodes de blanchiment d’argent. Par exemple :
- L’utilisation d’un prête-nom qui permet de masquer l’origine et la propriété des fonds. Le « prête-nom » peut être un ami, un associé, une personne rémunérée à cette fin qui n’attire pas l’attention. Il effectue l’achat ou la vente de l’immeuble pour le compte du blanchisseur;
- Les dépôts de sommes d’argent effectués dans un compte en fidéicommis par une personne et les retraits faits ensuite au bénéfice d’une autre personne;
- Le « schtroumpfage » qui consiste dans le dépôt par de nombreuses personnes anodines des sommes en espèces dont le montant est inférieur au seuil de déclaration obligatoire afin d’« anonymiser » la transaction;
- Le transfert à l’étranger des produits de la criminalité aux fins de conversion en devises étrangères pour ensuite les réintégrer dans le système financier;
- L’achat au comptant de biens de grande valeur tels que des bijoux, des automobiles, des bateaux ou des biens immobiliers enregistrés au nom d’un ami ou d’un parent pour être ensuite revendus afin d’en blanchir les produits;
- Le recours aux bureaux de change pour acheter des devises qui peuvent alors être transférées dans des comptes ouverts dans des banques étrangères partout dans le monde;
- Les jeux de hasard au casino où l’on se procure des jetons en échange d’argent comptant et qui sont retournés au guichet pour être encaissés sous la forme d’un chèque;
- Etc.
Le titulaire de permis doit aussi avoir la compétence pour reconnaître certains types de comportements qui peuvent éveiller des soupçons de blanchiment d’argent dans le cadre d’une opération immobilière. Par exemple :
- Le client se présente pour la clôture d’une opération immobilière avec une grande quantité d’espèces;
- Le client achète une propriété au nom d’une autre personne, par exemple un associé ou un membre de sa famille (autre que son conjoint);
- Le client ne veut pas signer son nom sur un document qui établirait un lien entre lui et la propriété, ou utilise des noms différents sur les promesses d’achat, les documents de clôture et les récépissés de dépôt;
- Le client explique mal le remplacement de dernière minute du nom de l’acheteur;
- Le client négocie un achat à la valeur marchande ou à une valeur supérieure au prix demandé, mais inscrit une valeur plus faible sur les documents en payant la différence « au noir »;
- Le client vend une propriété à un prix inférieur à la valeur marchande et verse un paiement additionnel « au noir »;
- Le client verse l’acompte au moyen d’un chèque signé par un tiers, autre que son conjoint ou un membre de sa famille;
- Le client verse un acompte important en espèces et le solde est financé grâce à une source de fonds inhabituelle ou par une banque étrangère;
- Le client achète des biens pour son usage personnel sous couvert d’achats pour la société, quand ce genre d’opération est contraire aux pratiques d’affaires courantes du client;
- Le montant que le promettant acheteur offre pour la propriété ne correspond pas à son profil (exemple son âge et son occupation).
Le titulaire de permis doit se montrer particulièrement prudent afin d’être à l’affût des « indicateurs » de fraude et de blanchiment. CANAFE a d’ailleurs dressé une liste d’indicateurs afin d’aider les titulaires de permis à reconnaître, évaluer et déclarer les opérations financières douteuses liées à l’immobilier.
Il doit de plus être proactif en posant les questions lui permettant de se renseigner sur la nature et la légalité des transactions. Le titulaire de permis doit faire preuve de rigueur et de diligence dans la tenue de son dossier ainsi que dans l’examen des documents afférents à la transaction.
Le laxisme, la complaisance et l’aveuglement volontaire du titulaire de permis face à des indicateurs de blanchiment d’argent constituent des manquements à ses obligations déontologiques.
Il n’est pas nécessaire d’avoir la preuve hors de tout doute qu’un titulaire de permis a commis une infraction criminelle ou une infraction à la LRPCFAT pour établir qu’il est coupable d’une infraction déontologique. Il s’agit en effet d’infractions distinctes et qui impliquent des fardeaux de preuve différents. Devant le comité de discipline, le syndic devra démontrer, selon la balance de probabilités (50 % + 1), que le titulaire de permis a fait preuve de laxisme, de complaisance ou d’aveuglement volontaire en ignorant les indices qu’il a l’obligation de détecter; il n’aura pas à faire la preuve que le titulaire de permis a participé activement à des activités de blanchiment d’argent en contravention du Code criminel ou de la LRPCFAT.
Par ailleurs, la commission d’une infraction à la LRPCFAT peut constituer une infraction déontologique en ce qu’il peut être en soi un acte dérogatoire à l’honneur et la dignité de la profession, par exemple. Un titulaire de permis pourrait en effet être reconnu coupable d’une telle infraction pour avoir accepté, par exemple, de vendre à un prix inférieur à la valeur marchande une propriété sachant qu’un montant additionnel serait versé en argent comptant. Un titulaire de permis pourrait aussi être coupable d’avoir manqué de diligence pour ne pas avoir questionné son client sur la raison pour laquelle le nom de l’acheteur est changé à la dernière minute, d’avoir fait preuve de complaisance ou d’aveuglement volontaire.
1 Article 21 de la Loi sur le courtage immobilier.
2 Article 62 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité.