Évolution de l’interprétation de la clause de vente sans garantie légale « aux risques et périls de l’acheteur »
Renoncer à la protection de la garantie légale de qualité comporte des risques importants.
Renoncer complètement à la protection de la garantie légale comporte des risques importants.
Un jugement récent fait évoluer l’interprétation de la clause de vente sans garantie légale « aux risques et périls de l’acheteur », mettant en évidence les conséquences graves de cette renonciation sur la responsabilité des vendeurs au détriment de la protection des droits des acheteurs. L’affaire Tremblay c. Immeubles Perron ltée[1], prononcée par la Cour d’appel du Québec, souligne l'importance de la transparence et de la diligence dans de telles transactions immobilières.
Confirmation de l’arrêt Blais
Le jugement Tremblay c. Immeubles Perron ltée confirme la validité juridique d’un autre arrêt phare en la matière, l’arrêt Blais c. Laforce[2] de 2022. Cet arrêt avait déjà fait progresser l’interprétation de la clause d’exclusion de garantie légale « aux risques et périls de l’acheteur ». Les principes énoncés se résument ainsi :
- La clause d’exclusion complète de la garantie légale constitue un avertissement sérieux à l'acheteur que le bien est vendu sans aucune garantie, malgré les vices qui peuvent l'affecter;
- Cette clause permet d’imputer à l’acheteur une connaissance présumée de l’existence des vices;
- En l'absence de dol du vendeur, cette clause exprime clairement l’intention de l’acheteur d’assumer le risque lié aux vices cachés et de ne pas se soustraire au « péril » associé à l’achat;
- Un acheteur qui achète avec l'exclusion complète de garantie légale ne pourra par la suite se retourner contre des précédents propriétaires, même si ces précédents propriétaires ont vendu avec la garantie légale;
- Les parties à une vente immobilière peuvent rédiger une clause reflétant leur intention commune d’exclure la garantie légale du vendeur immédiat tout en conservant les droits envers les vendeurs antérieurs.
Interprétation de la vente « aux risques et périls » en cas de connaissance du vice par le vendeur
La Cour d’appel a examiné l'argument de l’appelant selon lequel il pouvait bénéficier de la garantie de titre malgré l’inclusion d’une clause complète d’exclusion de garantie légale. L’acheteur soutenait que la vendeuse connaissait le vice de titre sur la propriété et ne l’avait pas divulgué de façon volontaire afin de le tromper.
La Cour a rejeté cet argument en clarifiant que, selon l’article 1733 C.c.Q., un vendeur non professionnel peut exclure sa responsabilité pour les vices connus qu'il ne révèle pas à l’acheteur, sauf en cas de dol. Ici, le dol implique une intention délibérée de tromper l’acheteur afin de conclure la transaction.
Ainsi, le simple silence d'un vendeur sur un vice connu ne constitue plus un dol dans une vente « aux risques et périls ». Cela complique la tâche des acheteurs, car pour réussir une réclamation contre le vendeur dans ce type de transaction, l’acheteur doit dorénavant prouver non seulement la connaissance du vice par le vendeur, mais aussi que ce dernier l’a intentionnellement trompé par un mensonge, une demi-vérité ou une fraude, ce qui l’aurait influencé dans sa décision de consentir à l’achat du bien. En somme, le simple fait qu’un vendeur ne divulgue pas un vice ne suffit plus à établir un dol dans le cadre d’une vente « aux risques et périls ».
Conséquences pour les courtiers immobiliers et les parties à la transaction
Pour naviguer dans ce cadre juridique complexe, les parties doivent être bien informées et conseillées par leur courtier immobilier. Cela leur permettra de conclure une transaction en toute connaissance de cause, en comprenant pleinement leurs droits et responsabilités.
Pour les acheteurs :
- Il devient crucial d’approfondir les déclarations du vendeur et de poser des questions pertinentes pour inciter ce dernier à divulguer les vices. En théorie, un vendeur interrogé devrait mettre fin à son silence et déclarer les vices connus.
- Les acheteurs doivent être particulièrement vigilants lors des transactions « aux risques et périls », car prouver le dol devient plus complexe. À ce titre, il est important de réitérer que toutes les communications et déclarations du vendeur doivent être bien documentées.
- La protection offerte par la Loi sur le courtage immobilier reste essentielle, notamment l’obligation des courtiers de découvrir et d’informer les parties des facteurs défavorables. Effectuer une vérification diligente rigoureuse et ne pas hésiter à engager des experts pour inspecter le bien avant l’achat est primordial dans ce type de transaction afin d’éviter les mauvaises surprises.
- Selon les circonstances, les acheteurs devraient sérieusement envisager des alternatives à l’achat « aux risques et périls », telles que le recours à une clause type (voir 3.5 à 3.5.2) ou une clause sur mesure d’exclusion de garantie partielle. Un avocat spécialisé devrait être consulté pour comprendre les implications des différentes clauses d’exclusion de garantie légale.
Pour les vendeurs :
- Les vendeurs peuvent être tentés d’utiliser des clauses d’exclusion de garantie légale complètes pour se protéger, surtout s’ils connaissent des vices qu’ils préfèrent ne pas divulguer. Cependant, la transparence sur les vices connus permet d’éviter des litiges potentiels.
- Il demeure que le courtier du vendeur a l’obligation d’entreprendre les démarches pour découvrir les facteurs pouvant affecter défavorablement les parties ou l’objet d’une transaction. Il doit également informer toutes les parties à une transaction avec objectivité, sans exagération, dissimulation ou fausse déclaration.
- Les vendeurs doivent être conscients que cette exclusion ne s'applique pas à certains dommages, tels que les préjudices corporels ou moraux causés à autrui. Par exemple, un acheteur peut réclamer des dommages-intérêts pour des problèmes de santé dus à de la moisissure cachée par le vendeur.
- La clause d’exclusion complète de garantie peut également entraîner une baisse du prix de vente, car un acheteur avisé voudra minimiser son risque en tenant compte de la perte de valeur potentielle due à un vice découvert ultérieurement.
- La clause d’exclusion complète (clause type 1.3.3) ne devrait être exigée que dans certaines situations exceptionnelles telles qu’une succession, une reprise de finances, un immeuble à démolir ou un changement d’affectation. Dans d’autres cas, les vendeurs devraient privilégier une clause excluant partiellement la garantie légale (par exemple, la clause type 1.3.1 – Clause d’exclusion spécifique au vendeur immédiat ou 1.3.2 – Clause d’exclusion sur certaines composantes de l’immeuble), avec la collaboration des courtiers et avocats pour s'assurer de leur conformité à la législation actuelle.
- Numéro de référence
- 300233
- Dernière mise à jour
- 20 février 2025