De la confidentialité des promesses d'achat
Nicole a procédé comme d'habitude. Dès qu'elle a su que deux acheteurs voulaient présenter une promesse d'achat, elle en a aussitôt informé son client vendeur et s'est entendue avec lui pour une rencontre à laquelle assisteraient les deux autres courtiers. Ils tenaient, comme ils en ont le droit, à présenter eux-mêmes la promesse d'achat de leur client acheteur respectif. Nicole était ravie. Après quelques semaines d'un calme plat déprimant, ces deux promesses, « deux » promesses en plus, avaient de quoi la réjouir. Et, ce qui ne gâche rien, l'une d'elles serait présentée par sa collègue de bureau et grande amie, Françoise.
Soucieuse de respecter la procédure, et aussi de maintenir des relations harmonieuses avec ses pairs (Françoise qu'elle connaît bien comme on le sait, et Normand, un concurrent très correct), Nicole les invite donc à jouer cartes sur table comme elle a coutume de le demander en pareille circonstance. Pas question de poser un geste qui pourrait être interprété comme un passe-droit pour sa collègue de bureau , même si une vente conclue avec elle assurerait une commission plus intéressante à leur agence. Françoise et Normand feront tour à tour lecture de la promesse d'achat de leur client. Pas de cachette, pas de faux-fuyants, tout sera clair pour tout le monde puisque tout le monde est réuni autour de la table. Comme d'habitude quoi. - Qui veut commencer?
Si Nicole a scrupuleusement respecté la règle en informant rapidement son client du dépôt de deux promesses d'achat pour sa maison, si son impartialité dans sa façon de traiter Françoise et Normand fait honneur à la profession, bref si la bonne foi des trois courtiers immobiliers ne semble faire aucun doute, ils ont néanmoins commis une faute en ne respectant pas la règle de confidentialité d'une promesse d'achat. Nicole n'avait pas à demander à ses collègues de dévoiler le contenu de leur promesse d'achat en présence d'un tiers, à plus forte raison s'il est intéressé à l'achat de la propriété; pas plus d'ailleurs que les représentants des acheteurs ne devaient accepter de le faire. Malgré ce qu'en dit le dicton, la coutume n'a pas toujours force de loi. Dans ce cas-ci, c'est même le contraire.
Les détails d'une promesse d'achat sont confidentiels et ne regardent que son signataire, le client vendeur à qui elle s'adresse et leur courtier respectif. Cette règle figure à l'article 96 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité. L'enfreindre peut donner lieu a une plainte disciplinaire. Mais si tout le monde est d'accord, comme dans notre exemple, qui pourrait bien s’en plaindre?
Plusieurs croient qu'en plus de favoriser de saines relations entre les courtiers, cette pratique avantage le client vendeur en provoquant la surenchère des promesses. Mais elle peut aussi déplaire au plus offrant qui, sans cet étalage de prix, n'aurait peut-être pas eu à hausser le sien. Voilà de quoi le motiver à demander la tenue d’une enquête au Bureau du syndic de l’OACIQ. Et ce n'est qu'une possibilité parmi d'autres.
En imposant la confidentialité du contenu de la promesse d'achat, le législateur évite de nombreux pièges aux professionnels de l'immobilier. Connaissant le contenu de la promesse d'achat d'un autre acheteur, comment un courtier pourrait-il honnêtement laisser son propre client acheteur déposer une contre-proposition inférieure ou nettement trop généreuse par rapport à ce qui est déjà offert? La règle de la confidentialité préserve les rapports qu'entretiennent les courtiers avec leur client. Elle élimine toute situation où le courtier risque d'influencer indûment le déroulement d'une transaction. Elle préserve aussi l'équilibre des forces entre acheteur et vendeur.
Pour en savoir plus, lire :