Contrôle d’une société et droit à la rétribution

La Loi sur le courtage immobilier prévoit que lorsqu’un courtier a le contrôle d’une société et que celle-ci acquiert un intérêt dans un immeuble, ce courtier n’a pas droit à sa rétribution1. Sur réception d’une facture de rétribution pour un tel achat, l’agence représentant le vendeur cherche souvent à déterminer si ledit courtier avait le contrôle ou non de cette société. Pour ce faire, elle doit examiner la notion de contrôle, ce qui peut être assez complexe.

Cette notion englobe deux aspects dont il faut tenir compte : le contrôle de droit et le contrôle de fait.

Le contrôle de droit

En droit corporatif canadien et québécois, la loi attribue le contrôle de la société à la personne dont les parts majoritaires lui permettent d’élire la plupart des administrateurs de cette société.

Afin de déterminer s’il existe un tel contrôle, il faut considérer les éléments suivants :

  1. Les actes constitutifs régissant la société (lettres patentes, statuts, règlements administratifs, etc.);
  2. Le registre des actions de la société (part des actions avec droit de vote, etc.).

Il s’agit principalement d’une analyse documentaire des éléments constitutifs de la société. Par exemple, un administrateur possédant 90 % des actions votantes sera réputé avoir le contrôle.

Un courtier qui ne possède pas la majorité des actions et qui n’a donc pas le contrôle de droit de la société pourrait toutefois, dans certaines situations, être considéré comme possédant le contrôle de fait de cette société.

Le contrôle de fait

Les tribunaux ont eu à se pencher sur des cas où une personne avait le contrôle de fait d’une société. Dans l’un de ces cas, les enfants possédaient la majorité des actions, mais le père continuait de diriger tous les aspects commerciaux et financiers de l’entreprise. Une résolution lui attribuait d’ailleurs le titre de directeur général et indiquait qu’il pouvait acquérir, vendre ou hypothéquer les biens de la société, emprunter en son nom ou acheter de l’équipement nécessaire aux opérations. Le tribunal a conclu que malgré la détention de seulement 0,2 % des actions, le père avait le contrôle de fait de la société.

La jurisprudence reconnaît plusieurs autres éléments pouvant être déterminants dans l’analyse de la notion de contrôle de fait :

  • Détenir le pouvoir de négocier et de signer des contrats pour la société, être requis d’intervenir personnellement dans toute décision, être omniprésent dans les gestes d’importance, être l’organisateur financier ou être l’âme dirigeante;
  • Accepter et remplir le rôle de mandataire de la société, détenir une procuration aux termes de laquelle l’entreprise autorise la personne à transiger en son nom;
  • Détenir le pouvoir de changer le conseil d’administration ou de revenir sur ses décisions;
  • Détenir le pouvoir de contrôler les opérations de la société;
  • Détenir le pouvoir de mettre fin directement ou indirectement à la société.

Dans le cadre de cette analyse, la convention entre actionnaires est un document fort utile qui permet de déterminer les rôles et les pouvoirs de chacun, et donc de savoir si certains pouvoirs ayant un impact sur les décisions et le contrôle de la société sont octroyés à des actionnaires minoritaires par exemple.

Conclusion

Le courtier qui détient un intérêt dans une société qui se propose d’acquérir un immeuble et qui entend se prévaloir de son droit à la rétribution devrait discuter avec le courtier du vendeur au plus tôt dans la transaction et s’assurer de fournir les preuves de son droit. Rappelons qu’un litige sur le droit à la rétribution entre courtiers ou agences est exclu de la couverture d’assurance responsabilité détenue par l’ensemble des titulaires de permis.

La détermination du contrôle est une question complexe pouvant nécessiter une expertise particulière. L’analyse doit se faire au cas par cas tant sur papier que dans les faits. En cas de doute, vous pourriez consulter un expert en la matière.


Pour en connaître d’avantage, consultez l'article suivant : Ai-je droit à une rétribution lorsque je deviens locataire, acheteur ou emprunteur?

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1 Article 23 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité de l’OACIQ :

« Un titulaire de permis ne peut réclamer ni recevoir de rétribution lorsqu’il devient locataire, obtient un prêt garanti par hypothèque immobilière ou acquiert un intérêt dans un immeuble ou une entreprise pour lui-même, pour une société ou une personne morale dont il a le contrôle ou lorsque son conjoint, avec qui il est marié ou uni civilement ou avec lequel il vit en union de fait, ou une personne morale ou société contrôlée par ce dernier devient locataire, acquiert un intérêt dans l’immeuble ou l’entreprise ou obtient un prêt garanti par hypothèque immobilière. »

Dernière mise à jour : 09 décembre 2020
Numéro d'article : 124741